Prologue
L'étrange missive avait laissé Rose dans un état émotionnel qui semblait emprunter autant à l'excitation d'une nouvelle découverte qu'à la future déception blasée qui semblait l'attendre. Cette lettre ne lui était pas adressée mais c'était tout comme... Lorsque quelques semaines plus tôt, on lui avait appris le décès de sa tante, cette autre Rose qu'elle avait aimé par dessus tout, elle avait été plus choquée qu'elle ne l'aurait jamais pensé. Pour elle, jusqu'à ce jour, dans sa vie avaient eu leur place bien des choses éphémères et d'autres qui semblaient aussi immuables que les marbres qui se souviennent encore des êtres qui en avait fait leurs demeures. Tante Rose était de ces choses immuables. Elle avait toujours été présente pour sa nièce, et cela bien avant le décès accidentel de ses parents. Et aujourd'hui qu'elle avait quitté ce monde, sa présence persistait dans tous ce que Rose voyait autour d'elle. Même cette lettre dont elle ne savait pas si elle lui était adressée ou à sa parente décédée...
Enfin si, elle savait.
Elle reposa la lettre à côté de la pile de prospectus qu'elle avait extrait de la boîte aux lettres en arrivant. D'après le cachet, cette lettre avait été envoyée avant la mort de sa tante, et donc il était impossible qu'elle lui fut adressée à elle. Sa présence ici n'était dûe qu'à la volonté qu'avait exprimé sa tante sur son lit de mort que ce soit elle qui se charge de mettre en ordre ses affaires après son décès. Elle avait appris trop tard la nouvelle, et n'avait pu se rendre à son chevet à temps, et pour cela elle savait qu'elle s'en voudrait longtemps... Mais si quelqu'un avait écrit à sa tante, cette personne espérait peut-être une réponse... Elle prit l'enveloppe pour l'examiner une nouvelle fois, voir si l'expéditeur avait pris le temps d'écrire un nom et une adresse qui permettrait de le contacter...
Le temps sembla se figer soudain.
Rose ouvrit l'enveloppe malgré l'émotion qui déferlait en elle, elle tira un pan du rideau pour examiner le feuillet à la lumière du jour. L'écriture familière, si semblable à la sienne, ne pouvait l'induire en erreur. Quelques instants plus tard, la feuille maintenant soigneusement pliée avait trouvé sa place dans la poche intérieure de la veste qu'elle avait enfilée précipitamment. Le déclic de la clef dans la serrure rébondit au claquement de la porte avant que le silence ne retombe dans l'appartement maintenant désert.
Le faisceau de lumière provenant du rideau entrouvert éclairait encore l'enveloppe qui reposait à présent au sol, une écriture soignée indiquant que le nom de l'expéditeur de la lettre était le même que celui du destinataire. Rose était en route, marchant dans les pas de sa parente décédée...
